En ouvrant cette page nous voulons contribuer à un premier accès aux chants et aux principales expressions d’artistes déportés qui vont naitre pendant les mobilisations des Résistances contre l’envahisseur nazi et dans les camps de la Mort. Nous donnons une connaissance historique sur ces créations pour comprendre ce qu’elles représentent réellement.

Les unes comme les autres font œuvre d’actes de résistance, créant du lien et des solidarités fortes entre ceux qui font face à l’ennemi commun ou qui tentent par tous les moyens de faire face ensemble à la violence des camps de concentration et d’extermination. Nombres de témoignages confirmeront que par ces actes ils ont pu continuer le combat ou ne pas perdre le moral face à l’indicible.

Ces expressions artistiques vont permettre aussi de décrire les actes de violence que subiront ceux qui seront arrêtés et enfermés. Faisant appel à leurs brouillons tracés clandestinement dans leurs baraques ou à leurs mémoires encore vives ils vont éviter que l’indicible ne soit édulcoré par les dirigeants du Reich et permettent à ceux qui ont eu à juger les bourreaux d’avoir des éléments concrets de la violence nazie s’associant aux témoins des procès .

Résister par les Arts, la création artistique, l’expression écrite ou plastique… ce fut d’abord pour alerter et interpeler nos compatriotes enfoncés dans la résignation dans cette période d’avant et de début de seconde guerre mondiale, englués pour bon nombre d’entre eux jusqu’au niveau de l’Etat dans les idées d’extrême droite et de la collaboration. Cette extrême droite revancharde qui désigna toujours des boucs émissaires responsables de tous nos maux, là, les judéo-bolchéviques, ici, les apatrides, les syndicalistes et les démocrates, pour cacher la poursuite de leur macabre vision d’un monde où il faut éliminer l’autre et imposer un ordre moral par la force et la terreur… Boris Cyrulnik, neuropsychiatre, rappelait qu’Hitler ne voulait pas des enfants penseurs mais des enfant sachant réciter…

Résister à cet macabre vision du Monde va mobiliser des créateurs qui vont nourrir les premières solidarités face à l’envahisseur nazi. Dessins humoristiques sur des tracts, des journaux clandestins et des petites affichettes appelant à la résistance ou d’autres à la délation … …au travers des émissions de radio venant de Londres … Radio Paris ment… Radio Paris est allemand…

A l’exemple de Robert Desnos, poète et journaliste sous pseudonymes dans un quotidien proche de la collaboration ne va pas hésiter un insuffler l’esprit de résistance dans quelques articles qui le conduiront à être démasqué, arrêté et être déporté politique à Flöha … … déportation durant laquelle, avant sa mort à Theresienstadt il va proposer et déclamer ses poèmes aux déportés et en écrire d’autres jusqu’à ce dernier avant sa mort dû au typhus :

J’ai rêvé tellement fort de toi
J’ai tellement marché, parlé
Tellement aimé ton ombre
Qu’il ne me reste plus rien de toi.
Il me reste d’être l’ombre parmi les ombres,
D’être cent fois plus ombre que l’ombre,
D’être l’ombre qui viendra et reviendra
Dans ta vie ensoleillée.

Résister dans de nombreux lieux d’incarcération, dans la promiscuité des cellules souvent surpeuplées, vont voir naitre des femmes et des hommes organisant, si infime soient-ils, des jeux, des lectures à voix hautes, là où les livres étaient autorisés, faisant faire connaissance aux détenus des auteurs méconnus pour la plus part d’entre eux. Des bouts de papiers et des crayons de bois vont permettre à quelques-uns de dire, d’écrire par messages codés ou dessins crayonnés ou de lettres acceptées par l’administration ce qu’ils enduraient mais aussi leurs espoirs !

Résister à l’occupation, dans les prisons et dans les camps de la Mort va donner aux créations un contenu portant de la tristesse à l’espérance, de la douleur à l’émancipation et donc des chants pour unifier les volontés face à la dureté des combats ou accompagner par La Marseillaise ou L’Internationale un camarade vers l’exécution, du récit et des esquisses pour ne pas oublier et nous donner en héritage des souvenirs, des faits confirmant l’absurdité de la disparition de toute Humanité chez les nazis…

Comment ne pas penser dans ces combats à « ceux de l’Affiche Rouge », à Missak Manouchian, poète émigré arménien, nous délivrant ces 2 strophes l’une dans « Privation » et l’autre dans la conclusion de « sa Lettre à Mélinée » :

Quand j’erre dans les rues d’une métropole,
Toutes les misères, tous les dénuements,
Lamentation et révolte l’une à l’autre,
Mes yeux les rassemblent, mon âme les loge.

Depuis la Libération, nombre de poésies comme celles de Paul Eluard, de pièces de théâtre de Berthold Brecht, de films de René Clément et de récits comme celui de Charlotte Delbo en particulier autour des résistances, des maquis, des corporations et d’hommes et de femmes héroiques dans les camps vont nous aider à comprendre…

Avec l’Art Cinématographique, le Procès de Nuremberg, les témoignages de Maurice Lampe et de Marie-Claude Vaillant Couturier pour la FNDIRP entre autres et sa diffusion dans les actualités des salles de cinéma vont donner dès 1946 une dimension forte aux réalités de la déportation et aux mises à mort de plus de 12 millions d’êtres humains. Par ce travail de réalisation de plusieurs films, les combats de la résistance et les premières images souvent insoutenables des cadavres ou des lieux d’extermination vont permettre de commencer à comprendre ce que furent les meurtrissures des déportés épuisés par le travail forcé, les fusillades collectives et les génocides des camps de mise à mort …